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Apport de la reconstruction posturale dans le traitement des névralgies occipitales : étude de 2 cas

Les céphalées comptent parmi les affections du système nerveux les plus répandues [1,2] : 47 % de la population adulte a eu au moins une fois une céphalée au cours de l’année écoulée [1]. C’est un problème mondial de santé publique touchant toutes les populations, quels que soient l’âge, l’ethnie, le niveau des revenus et la zone géographique [1]. Pour la personne, les maux de tête sont un fardeau : douleurs, incapacités [1], altération de la qualité de vie [3].

Pour la société, le coût financier est significatif : la migraine à elle seule est responsable de la perte de 25 millions de journées de travail ou de scolarité par an au Royaume-Uni [1]. Au niveau Européen, la migraine représente un coût de 27 milliards d’euros par an [3].

En dépit de ces constats, une minorité de personnes céphalalgiques bénéficient de soins efficaces et d’un diagnostic adapté [1,3]. Le manque de connaissance des professionnels de santé constitue le principal obstacle clinique [1,3].

L’étiologie des céphalées étant souvent mal identifiée [3], la classification de l’International Headache Society (IHS) est réalisée en fonction du tableau clinique [4]. Les céphalées primaires regroupent principalement la migraine, les céphalées de tension, les algies vasculaires de la face [4]. Les céphalées dites secondaires regroupent une longue liste d’entités attribuées à des troubles sousjacents [3] (p. ex. les céphalées d’origine cervicale). La névralgie occipitale (NO) (Tableau I) se retrouve dans une troisième section de la classification de l’IHS dite « neuropathies crâniennes douloureuses et autres douleurs faciales » sous le code 13.4 [4].

La taxinomie des céphalées est complexe et en évolution permanente [4]. Le diagnostic de certaines céphalées est problématique : la nosologie de la NO par exemple, est commune avec d’autres céphalées [5]. Cela explique la fréquente assimilation des NO avec les céphalées d’origine cervicale (code 11.2.1) par certains auteurs [5] et l’absence d’études épidémiologiques documentant l’incidence et la prévalence de la NO.

La NO, plus connue sous l’appellation névralgie d’Arnold, est décrite comme une douleur récurrente avec des épisodes paroxystiques suivant la distribution des nerfs grand occipital (NGO) et petit occipital (NPO) ou du troisième nerf occipital (TNO), souvent accompagnée d’hypoesthésie ou dysesthésie de la région concernée. La NO est une neuropathie périphérique [4] unilatérale dans 85 % des cas [6]. Seule, la réalisation d’un bloc anesthésique local du NGO, du NPO et/ou TNO confirme le diagnostic [4]. Le NGO est en cause dans 90 % des cas, le NPO dans 10 %, le TNO est indiqué de manière exceptionnelle [6–9].

Le NGO est constitué par la branche posté- rieure de C2. Les structures habituellement incriminées sur le plan physiopathologique sont vasculaires, neurologiques, musculotendineuses ou ostéogéniques [10]. Cependant, il n’existe aucun consensus sur ce sujet [11–13]. La cause peut être claire comme l’infection par l’herpès zoster mais, dans certains cas, il peut n’y avoir aucune raison apparente à la NO [6]. Pour ces cas, une origine neurologique, évoquée pour la migraine et les céphalées de tension [14], peut se retenir. Il s’agirait d’un« syndrome de sensibilité centrale » se traduisant par une hyperexcitabilité centrale [14]. Ce syndrome serait commun à de nombreuses autres affections (lombalgies chroniques, épicondylalgie, fibromyalgie. . .) [15].

En l’absence de gold standard thérapeutique, un traitement pharmacologique est habituellement proposé sous la forme d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, myorelaxants, antidépresseurs tri-cycliques [16], antiépileptiques et opioïdes [10,17]. Dans les propositions de traitements non pharmacologiques, on retrouve l’acupuncture [10,18], mais aucune étude ne confirme leur efficacité pour le traitement spécifique de la NO.

Concernant la kinésithérapie, il n’y a pas d’étude spécifique des NO validant l’efficacité d’un traitement. Les recommandations de la Scottish Intercollegiate Guidelines Network [18] préconisent l’utilisation de manipulations vertébrales pour le traitement spécifique des céphalées cervicogéniques. Des études cliniques randomisées documentent des effets positifs de la kinésithérapie sur les algies et la fonction pour des patients souffrant de NO. Cependant, aucune autre technique du champ de compétence de la kinésithérapie (exercice de renforcement musculaire, étirements. . .) n’est, à ce jour, suf- fisamment validée pour être recommandée dans le traitement des diverses céphalées [18].

Les options de traitement interventionnel sont multiples. Le bloc anesthésique local du nerf occipital, l’infiltration de corticoïdes ou l’injection de toxine botulique [19] n’améliorent la douleur qu’à court terme (1 à 4 semaines) [17]. Des effets à long terme (supérieurs à 6 mois) sont rapportés après stimulation électrique du nerf occipital par implantation d’une sonde sous-cutanée [19] ou après diverses options chirurgicales [20,21]. L’application d’un traitement moins invasif comme la stimulation électrique du NGO par radiofré- quence pulsée est préférée : les risques de complications et les coûts de l’intervention sont moindres que pour la chirurgie [10,17]. Des effets significatifs sur la douleur à plus de six mois [17] sont rapportés.

L’objectif de l’article est de présenter une modalité de kinésithérapie inductive, la Reconstruction Posturale (RP), atypique pour le traitement de la NO. Cette approche cible la plasticité cérébrale [22]. La RP s’inscrit dans un paradigme neurogène original : il est postulé que des dérèglements du tonus musculaire des muscles de la région céphalique (tête et cou) sont responsables de la pathogenèse des NO n’ayant pas de cause clairement identifiable [23]. Leur traitement passe donc par la normalisation du tonus musculaire des muscles de la région céphalique [24]. Pour cela, un outil thérapeutique adapté est nécessaire, capable d’atteindre les centres sous corticaux responsables du tonus postural. Cet outil spécifique est appelé induction normalisatrice [23].

Des résultats de 2 patients souffrant de NO (1 femme, 1 homme) traités par des techniques issues de la RP sont exposés ici afin de documenter cette approche. Les différences de pratiques entre deux kinésithérapeutes sont également décrites. L’analyse des dissimilitudes observées est de nature à définir les paramètres de prise en charge à étalonner. C’est un préalable nécessaire pour favoriser une pratique kinésithérapique basée sur la preuve.